Un aperçu de la section historique du Musée Terra Sancta : le vêtement byzantin de la Transfiguration.
A l’occasion de la solennité de la Transfiguration sur le Mont Thabor, comme nous l’avons fait pour les vêtements liturgiques de l’Immaculée Conception, nous vous proposons un aperçu d’une pièce de paramentique datant du XXe siècle, décrite dans le premier volume des catalogues du Terra Sancta Museum.
Écrit par Maria Pia Pettinau Vescina, spécialiste des tissus anciens, avec la contribution de Danièle Véron-Denise, spécialiste de la broderie liturgique et profane, ce catalogue sera consacré à la paramentique brodée, dont certaines pièces ont été exposées au chateau de Versailles à l’occasion de l’exposition Trésor du Saint Sépulcre en 2013. Il comprendra également une contribution du Père Stéphane Milovitch, directeur de l’Office des Biens culturels de la Custodie de Terre Sainte, sur la tradition et la continuité de l’usage des vêtements sacrés en Terre Sainte.
La campagne photographique a été menée par Alfonso Bussolin, Giuliano Mami et Nadim Asfour (CTS).
L’ensemble que nous vous présentons aujourd’hui est un ensemble dit “byzantin”. Il est composé d’une chasuble, de quatre dalmatiques, de deux chapes, de deux étoles, d’un manipule et d’un voile huméral. Il a été commandé par le Père Pirmin Hasenöhrl, commissaire de Terre Sainte, pour la basilique de la Transfiguration du Mont Tabor en 1935, et est actuellement en restauration.
“Le tissu dominant, rendu brillant par son champ de fils de trames en métal doré, est caractérisé par un dessin au style graphique d’inspiration byzantine élaboré à partir de soie de couleur bordeaux.
L’iconographie du vêtement, particulièrement en ce qui concerne la broderie, est si étroitement liée au lieu pour lequel elle a été conçue, la Basilique de la Transfiguration sur le Mont Tabor, que l’on peut supposer que l’ensemble paramentique a été imaginé en accord avec le décor de mosaïques d’inspiration byzantine réalisé une décennie auparavant dans l’abside par Rodolfo Villani (1881 – 1941), artiste engagé par l’architecte de la basilique Antonio Barluzzi (1884 – 1960).
[…] La scène de la Transfiguration, brodée sur l’écu de la première étole, rappelle la manifestation de la divinité du Christ racontée par les trois évangiles synoptiques. La figure de Jésus, dans sa mandorle de lumière, signe de divinité, est placée entre Moïse et Elie, témoins de l’ancienne alliance. Moïse soutient les Tables de la Loi à côté du buisson ardent à travers lequel Dieu (indiqué par son inscription en hébreu) lui avait parlé (Ex 3,14). Elie, prophète à la foi inébranlable, porte le pain et le pichet d’eau avec leque il fut secouru par l’ange envoyé par Dieu (1 Rois 19:5-7). Les apôtres Pierre, Jean et Jacques contemplent la vision.
Dans cet ensemble liturgique, l’iconographie narrative alterne avec des abstractions symboliques et des images symboliques-figuratives. Le chapon de la seconde chape contient, dans un disque de tissu brillant, le croisement des lettres P et X, monogramme byzantin du nom du Christ, également appelé chrisme, accompagné de l’A et l’Ω (alpha et oméga), première et dernière lettre de l’alphabet grec avec lesquelles le Seigneur se définit lui-même dans Apocalypse (Ap 1.8 ; 21.6).
Parmi les motifs du chapon, ainsi que ceux de l’orfroi de la chape, on note des motifs géométriques de style art-déco venant de laboratoires viennois (Wiener Werkstätte) dirigés par Joseph Hoffman (1870-1956) et qui avaient leur propre matrice.
Sur l’envers de la chasuble, le pulvinus d’une colonne forme la base de cieux concentriques dans lesquels le Christ ressuscité domine, accueilli dans le signe théophysique de l’amande. Le chapiteau est orné de paons, comme dans le vitrail de la crypte. Sur la face avant, le Ressuscité est symbolisé par l’Agneau, qui est “passant” et “en gloire”, tandis qu’il apparaît immolé dans la mosaïque de la Passion et de la Mort du Christ.
L’unité stylistique des broderies et des mosaïques se voit de manière évidente dans la verticalité des anges (une caractéristique néo-byzantine) qui célèbrent respectivement la naissance du Christ et l’Eucharistie dans les deux dalmatiques.
[…] Ce magnifique parement a toujours été utilisé jusqu’à aujourd’hui dans la Basilique pour les célébrations du 6 août, fête de la Transfiguration. Parmi les projets architecturaux dessinés par Antonio Barluzzi, le regard devait passer des scènes en mosaïque de la crypte, immergées dans la lumière la plus douce, au thème éblouissant de l’abside en passant par les images brodées des ornements. Ce tissu contribuait ainsi à transmettre le message de lumière de l’événement et à émouvoir.
L’ensemble paramentique a été créé en 1935 à Vienne par la Congrégation des Sœurs du Pauvre Enfant-Jésus, qui, trois ans auparavant, avait réalisé un autre ensemble pour le couvent de Sainte Catherine à Alexandrie, en Egypte.
[…] Aux sœurs de l’Enfant-Jésus, nous devons également quelques parements sacrés conservés dans la chapelle de l’Hospice autrichien de Jérusalem (Österreichische Hospiz zur Heiligen Familie) : la chasuble donnée par l’empereur François Joseph de Habsbourg-Lorraine reproduisant sur son dos l’image de la Trinité, et la chasuble avec l’image du Bon Pasteur donnée par son frère l’archiduc Karl-Louis (1833-1896) et son épouse Maria-Theresa du Portugal (1855-1944).”[1]
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[1] Pettinau Vescina, Maria Pia, Paramenti sacri. Dall’Europa alla Terra Santa, ETS, Milan, 2019, p. 451-455. (traduction libre)