Les registres des conduites: «Une mine d’or pour retracer l’histoire des collections du musée!»
Sarah-Alexandra, historienne de l’art et volontaire au département des Biens Culturels de la Custodie de Terre Sainte, fronce les sourcils et se rapproche du document qu’elle tente de déchiffrer. « Il faut arriver à décrypter l’écriture des frères franciscains au 17e siècle » confie-t-elle en souriant. La jeune volontaire s’attèle à un travail précieux pour des conservateurs de musée et historiens de l’art en recopiant numériquement les registres des conduites de la Custodie de Terre sainte. En effet, pendant des siècles, les nations chrétiennes ont régulièrement envoyé des biens à la Terre Sainte afin d’offrir un soutien et une assistance aux religieux franciscains chargés de la garde des lieux saints.
« Les frères recevaient des objets très divers : objets liturgiques, peinture, orfèvrerie, tissus précieux, argent, mais aussi du thon, des vivres, des montres, ou des médicaments » détaille Sarah-Alexandra. A leur arrivée à Jérusalem, terme de leur périple, les convoyeurs remettaient les objets aux frères, qui s’empressaient de recopier les reçus dans des registres d’entrées. Conservés à la Custodie de Terre Sainte encore aujourd’hui, ces précieux registres permettent de connaître les besoins des franciscains pour leur vie quotidienne, et de percevoir l’implication des nations chrétiennes dans leur dévotion aux lieux saints.
« C’est très rare d’avoir conservé de tels documents qui concernent la vie quotidienne des frères, qui ne soient pas des actes officiels ou diplomatiques ». Après un moment de silence, elle reprend : « Là ce qui est extraordinaire c’est d’être plongé dans la vie de la Custodie à partir de 1615 ! ». Seize livres de conduites, écrits entre 1615 et 1980, sont encore présents dans les archives de la Custodie de Terre sainte. Pour cette raison, Sarah-Alexandra est régulièrement sollicitée par des historiens de l’art pour retracer la provenance de certains objets. « Ces registres nous servent de carte d’identité pour les collections du musée, c’est un trésor pour comprendre le contexte historique d’une œuvre ! » s’exclame-t-elle.
La rédaction de ces Registres suit une structure assez similaire, suivant les époques. « En premier lieu est indiqué la provenance géographique du bien, sa date d’arrivée en Terre sainte jusqu’au port d’Acre ou de Jaffa en général, l’identité du convoyeur, la description du bien ». Sarah-Alexandra marque une pause, et cherche dans son tableau. « Par exemple en 1653, on peut lire que « une lampe de Sa Majesté l’Empereur Ferdinand III en argent avec des pierres précieuses d’une valeur de près de 1000 écus pour le Saint Sépulcre de notre Seigneur » a été apportée ». Vient ensuite le nom du donateur (le souverain ou ses vassaux), la signature du frère qui écrivait les registres, ainsi qu’une contre signature d’un autre frère pour attester l’arrivée de l’objet au Couvent Saint Sauveur de Jérusalem.
Cette apparente logique laisse cependant souvent place à certaines complexités. « Un des enjeux que je rencontre est d’arriver à déchiffrer l’italien de l’époque, faire face à des écritures tout le temps différentes et pas toujours appliquées, des abréviations latines inconnues, qui ne sont pas forcément dans le bon ordre ». La jeune femme tourne quelques pages et ajoute : « s’il y avait une feuille blanche de disponible, un frère pouvait écrire dessus, même si c’était à une date ultérieure ! ». « C’est une autre logique, qui n’est pas si occidentale que ça. Je pense que les franciscains de Terre Sainte ont pris la logique du pays, ce qu’il fait qu’ils sont aussi bien intégrés en Terre Sainte et que leur présence perdure depuis 800 ans ! ».