12 Février 2021

La liturgie, cette volonté d’habiter le Mystère

Jacques Charles-Gaffiot, historien et membre du Comité scientifique du Terra Sancta Museum, s’est vu confié la conception d’une salle didactique dédiée aux usages et à l’importance de la liturgie pour l’église catholique.


Jacques Charles-Gaffiot, pourquoi avoir accepté de travailler sur une salle didactique au cœur de la section historique du Terra Sancta Museum ?

Le mot liturgie vient du grec leiton – « public » et ergon – « fonction », elle est donc l’expression du culte public, exercé au nom de l’Église catholique, par des personnes expressément désignées à cet office. De nos jours, la liturgie catholique apparait trop souvent comme une sorte de rituel ou de gestuelle accessoire, rattachée au déroulement des cérémonies religieuses, placé à la libre disposition de tous. Cette interprétation se révèle impuissante à traduire son but ultime : rendre le Christ substantiellement présent sur l’autel et non pas sous une forme symbolique ou métaphorique. A la veille de sa mort, le Jeudi Saint, c’est le Christ lui-même qui a demandé aux apôtres d’en perpétuer à jamais la célébration : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 20, 19).

Les collections présentées au Terra Sancta Museum témoignent de cette mémoire ininterrompue, depuis des siècles, sur le lieu même de la Résurrection. Les œuvres illustrent la dévotion et la prière, des franciscains ainsi que de celles de millions de pèlerins, sur les Lieux Saints. Il semblait donc très important d’expliquer ce que signifie la célébration du culte divin pour l’Eglise catholique notamment à des croyants d’autres religions ou d’autres confessions.

Comment la liturgie s’est-elle transmise des temps apostoliques à nos jours ?

Tout d’abord par tradition orale quand le culte chrétien était encore « souterrain » pour ne pas dire interdit. Puis, après l’édit de Milan ou « édit de Constantin », en 313 à travers un ensemble de prescriptions écrites, les Constitutions apostoliques, remontant au IVe siècle et recueillant les héritages antérieurs. Diverses traditions liturgiques ont ainsi vu le jour : rite byzantin (ou grec), rite arménien, rite syriaque (le plus ancien, avec la liturgie de saint Jacques le Mineur, premier évêque de Jérusalem), rite maronite, rite chaldéen, rite copte (égyptien). Parallèlement au développement des rites orientaux, un cérémonial latin s’est constitué autour de la liturgie romaine qui en est la forme la plus ancienne puisqu’elle remonte directement au temps de saint Pierre qui a été le témoin de la célébration de la première Cène. D’autres traditions enrichirent le rite latin : la liturgie ambrosienne (Milan, seconde moitié du IVe siècle), le rite mozarabe (Séville), le rite bragacien (Portugal), rite gallican (en usage jusqu’au VIIIe siècle).

Vous allez proposer durant tout ce temps de Carême 2021, sur les réseaux sociaux du Terra Sancta Museum, un parcours d’initiation à la liturgie autour de quelques objets. Comment les avez-vous choisis ?

Il y a dans la liturgie le désir de s’approcher au plus près de la perfection céleste dans l’administration des choses sacrées. Cette volonté « d’habiter le mystère » a pris, au fil des siècles, diverses formes que la tradition romaine, pour se limiter à elle, a su successivement intégrer dans son rituel.

J’ai cherché à surprendre le lecteur en choisissant des objets liturgiques dont nous avons oublié l’existence ou dont nous ne comprenons plus le sens. Et parmi une liste qui pourrait être longue, ceux qui permettent d’entrer plus en profondeur dans l’administration des sept sacrements et leur signification. Pareil objectif ne saurait être frivole ou inopérant, car, comme le rappelle le catéchisme de l’Eglise catholique (III, 124), la discipline régissant la liturgie (lex orandi) exprime les dogmes de la foi (lex credendi) ou, dans une formule plus succincte encore : « l’Eglise croit comme elle prie » !

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