Une première icône du Terra Sancta Museum restaurée par l’Institut National du Patrimoine
L’art chrétien oriental occupera une place déterminante dans le futur Terra Sancta Museum – Art et Histoire avec une section dédiée de 90 m2. Elle exposera notamment une sélection d’icônes parmi les 240 conservées par la Custodie de Terre Sainte et certaines du fonds privé de George Al’Ama, membre du Comité scientifique et collectionneur palestinien. Nous avons rencontré, à Paris, Maylis de Chevigny qui achève son cursus à l’INP par la restauration d’une Hodégétria.
La Manufacture des allumettes est une ancienne usine située à Aubervilliers, en banlieue parisienne. Elle accueille, depuis 2015, le département des restaurateurs de l’Institut national du Patrimoine, la prestigieuse école de formation des conservateurs et des restaurateurs du patrimoine français. C’est dans ce vaste complexe de briques que Maylis de Chevigny étudie et restaure une icône issue des collections de la Custodie de Terre Sainte. La jeune experte nous la décrit : « c’est une icône provenant de Russie du Nord, datée approximativement du 18ème siècle. Son style est mixte avec des lignes très structurées, voire strictes, renvoyant à une approche médiévale de l’icône. Ses ornements sont eux d’une approche plus moderne. Elle a pour modèle iconographique la Mère de Dieu de Tikhvine, un modèle iconographique fréquemment copié dont le prototype originel, lui aussi du Nord de la Russie, est réputé pour être à l’origine de nombreux miracles ».
Approfondir la connaissance de l’icône
Maylis de Chevigny est une passionnée de l’art de l’icône qu’elle a pu étudier de près lors d’un stage au Musée Byzantin et Chrétien d’Athènes. C’est au terme de cette expérience et sur une suggestion de Raphaëlle Ziadé, responsable du département des arts byzantins du Petit Palais et membre du Comité Scientifique du Terra Sancta Museum, qu’elle décide de consacrer son mémoire à cette icône.
Ce travail implique une étude détaillée de l’histoire de l’œuvre et des techniques employées au cours de sa création, la rédaction d’un constat d’état minutieux, d’une étude technico-scientifique des procédés de restauration adaptés et enfin d’un rapport de restauration détaillant leur application concrète.
Ces recherches ont permis à la restauratrice d’approfondir ses connaissances de la technique de l’icône, grâce à des échanges réguliers avec l’École d’Iconographie Orthodoxe Saint-André-Roublev de Paris et l’étude de manuscrits anciens détaillant les procédés de réalisation de ces figures. Elles ont également permis d’éclaircir le parcours de cette icône entre la Russie et la Terre Sainte. Maylis de Chevigny est partie sur les traces du Frère Frans Cornelissen, franciscain flamand et commissaire de Terre Sainte, qui a acquis et légué cette collection à la Custodie en 2006.
Restituer à l’oeuvre son intégrité
Ce travail de recherche et de documentation est indissociable du processus d’intervention dont Maylis de Chevigny expose les grandes étapes. « Mon travail débute avec la conservation curative avant la restauration proprement dite. La première permet la protection de l’œuvre et sa conservation Je commence avec un traitement contre les insectes nuisibles potentiellement présents. Suit une étape de refixage des écailles de peinture qui ne sont plus en cohésion avec le support. Ce dernier, constitué de panneaux de bois, montrait des signes de fragilité et a dû aussi être consolidé ».
C’est à l’issue de cette première intervention que la suite de la restauration peut commencer. Un travail de précision réalisé avec l’objectif d’améliorer l’apparence de l’œuvre. Le traitement du vernis est une des difficultés spécifiques à cette icône : « un travail d’allègement est nécessaire, il a été apposé lors d’une précédente restauration et n’est pas homogène. Ce sera l’opération la plus longue et complexe de cette intervention car il implique l’utilisation de solvants à action lente. Il faudra de plus traiter chaque zone de l’icône spécifiquement ».
Cette action accomplie permettra ensuite à la restauratrice d’intervenir sur les couches de peinture avec un retrait de certains repeints réalisés lors de précédentes restaurations : « cette œuvre a été très abîmée et des lacunes ont été comblées par du mastic sur lequel de la peinture a débordé à certains endroits. Une partie du travail consistera à retirer ce mastic superflu puis d’en reposer sur des parties de l’icône touchées par des soulèvements. Je pourrai enfin travailler cette nouvelle couche pour obtenir un rendu uni ». Une des difficultés propres à cette icône sera aussi de déceler la couche de peinture originale des repeints apposés au fil des siècles afin de rendre à cette œuvre un meilleur aspect.
Interrogée sur la durée de cette restauration commencée le 11 mars, la jeune restauratrice estime qu’elle nécessitera 70 heures d’intervention sans compter le travail d’étude scientifique mené en parallèle. Ce nombre étant susceptible d’évoluer en fonction des fragilités qui pourraient apparaître au cours de la restauration de l’œuvre. L’icône regagnera Jérusalem en septembre à l’issue de la soutenance du diplôme de Maylis de Chevigny. Les visiteurs pourront en apprécier l’éclat retrouvé dès l’ouverture du Terra Sancta Museum – Art et Histoire au sein de sa section consacrée à l’art chrétien oriental !